Une semaine en Basse-Côte-Nord sur le Bella Desgagnés

Lever de soleil à Harrington Harbour
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Intro et itinéraire
16 au 23 septembre 2024 - Une semaine sur le Bella Desgagnés en Basse-Côte-Nord c’est partir à la découverte d’un territoire trop peu connu, d’une beauté sauvage sans pareil, de communautés aux réalités tellement différentes des nôtres que le dépaysement est total. Les villages étant inaccessibles par la route 138 après Kegaska, le trajet à bord du Bella Desgagnés reste un des seuls moyens abordables pour visiter ce vaste territoire.
Pour obtenir une cabine en forfait découverte sur le bateau, on doit s’assurer une place dans la liste d’attente au moins un an à l’avance. Nous avons voyagé à 4 personnes dans deux cabines sur le pont 5. J’étais accompagné de ma conjointe France, de sa sœur Micheline et de son conjoint Gaétan.

Micheline, Gaétan et France - Photo prise par une passagère à Natahsquan
Ce forfait comprend 3 repas par jour en salle à manger.
Chaque menu offre une entrée, un choix de 3 plats principaux et 4 desserts. On y favorise les produits locaux, dont certains proviennent des villages où nous faisons escale, comme le homard de Harrington Harbour.
J’ai apporté un petit vélo qui m’a permis d’explorer un peu plus certains des lieux visités, compte tenu du temps alloué à chacune des escales. Placé dans un conteneur que le grutier descend en premier à chacun des quais, ce moyen de transport local constitue une alternative intéressante à la visite à pied ou en autobus nolisé.
Deux animatrices du Réseau d'observation des mammifères marins (ROMM) étaient présentes pour animer des soirées sur différents aspects du trajet : mammifères marins, évidemment, les villages visités le lendemain et des informations sur les particularités du Bella Desgagnés. Ces présentations avaient lieu au Bistro du pont 8. En complément non négligeable, nous avons aussi eu droit à une soirée avec le capitaine qui nous a fait part des exigences de sa tâche lors d'une causerie très sympathique et chaleureuse. Dans la trentaine, celui-ci défait le cliché de l'officier à barbe blanche, la pipe au bec. Le grutier Guillaume, comptant plusieurs décennies d'expérience et dont le travail remarquable a été la source de bien des éloges de la part des passagers, nous a fait un tour d'horizon des différences entre l'opération d'une grue sur un bateau et celle d'une grue fixe à terre. On peut le voir en action dans cette vidéo que j'ai captée au quai de Port-Menier en soirée à l'aller :
Un séjour sur le Bella Desgagnés c'est aussi l'occasion de belles rencontres comme celle que j'ai faite avec Guy Michaud et sa conjointe avec lesquels j'ai partagé l'émerveillement des levers de soleil sur le pont extérieur du 8e. Nous avons découvert le dernier jour que Guy était le collègue et ami de mon cousin Pierre, arpenteur-géomètre retraité. Le monde est petit...
Le Bella Desgagnés
Il s’agit d’un navire mixte cargo/passagers, construit sur mesure pour les besoins spécifiques du milieu marin de la Côte-Nord et des exigences de la compagnie Relais-Nordik dont la société mère est le groupe Desgagnés. Celle-ci possède 19 navires et son siège social est situé à Québec.
Le Bella Desgagnés est unique en son genre, car il combine de façon originale le transport et la livraison de marchandises diverses dans les localités autrement inaccessibles de la Basse-Côte-Nord du Québec, sauf en avion, et le transport de passagers locaux et croisiéristes de provenances diverses. Nous faisions partie de ces derniers. Il offre donc un service essentiel aux populations locales, tant autochtones qu’allochtones, et la possibilité de faire connaître cette magnifique région au reste de la population.
Il peut recevoir 420 personnes à bord, soit 39 membres d’équipage et 381 passagers.
On y trouve 63 cabines comptant 160 couchettes. Je peux assurer qu’elles sont très confortables et fonctionnelles.
Certains passagers locaux utilisent les services du Bella pour visiter la famille d’un village voisin. Ainsi, à Kegaska, là où la route 138 prend fin, plusieurs passagers y embarquent le temps de quelques heures pour se rendre dans les communautés voisines de La Romaine / Unamen Shipu ou Saint-Augustin / Pakua Shipi. La plupart de ces passagers sont autochtones, principalement Innus. Les « locaux » bénéficient d’un tarif préférentiel faisant partie d’une entente avec le gouvernement du Québec qui subventionne en partie ce service. Le reste du financement provient des passagers à forfait comme nous. Ceci contribue à la caractéristique de « tourisme durable » de ce genre de croisière. Un gros avantage d’acceptabilité sociale en ce qui me concerne.
Pour en savoir plus et visionner des photos des cabines, en apprendre sur les forfaits et suivre le trajet du bateau en temps réel, visitez le site du Bella Desgagnés.
Sept-Îles / Uashat
Cette ville de 25 000 habitants est intimement liée à l’histoire de la nation innue qui en occupe le territoire depuis 8 000 ans. Aujourd’hui confinés dans deux réserves aux extrémités ouest et est de la ville, Uashat et Maliotenam, les membres de la bande Innu Takuaikan Uashat Mak Mani-Utenam, forment une population de 4 500 personnes, dont 3 500 habitent dans les réserves. Le site de l'Institut Tshakapesh permet d'approfondir nos connaissances sur les Innus du Québec et du Labrador, leur culture, leur langue et leur territoire.
Les Blancs y sont arrivés en plus grand nombre vers les années 1860 en provenance des îles de la Madeleine et de la Minganie, attirés par les richesses de la pêche et de son havre naturel. Le nom de Uashat signifie d’ailleurs « La grande Baie » en innu-aimun. Avant cet essor, le lieu n’avait été pour les Blancs qu’un poste de traite de fourrures par la compagnie de la Baie d’Hudson et voué à l’évangélisation des autochtones par les communautés religieuses.
Aujourd’hui principal centre économique et social de la région, elle en constitue le point névralgique vers lequel convergent les principales activités dont la pêche, les mines et l’hydro-électricité.
À propos du Vieux-Poste
Il s'agit d'un ancien poste de traite de fourrures du 18e siècle découvert en 1964 lors de fouilles archéologiques. Il a été reconstruit à la fin des années 1960. Il est situé en plein coeur de la communauté innue de Uashat, à l'endroit où fut fondée la mission de l'Ange Gardien en 1641 par le père explorateur Jean de Quen.
L’escale
Cette escale étant une des plus longues du Bella, j’ai pu faire une balade en vélo qui m’a amené jusque dans la réserve de Uashat vers l’ouest. Après avoir longé le fleuve en suivant la promenade du quai, arrivé au Vieux Poste, j'ai fait la rencontre d’un jeune Innu qui m’a parlé des difficultés d’y vivre en raison de gangs criminalisés de plus en plus présents. Le crack est une des sources de difficultés qui affectent la communauté. J’ai assisté à une intervention conjointe de la Sûreté du Québec (SQ) et du service de police de Uashat mak Mani-utenam (SPUM) auprès d'un homme visiblement intoxiqué. Plusieurs médias ont fait état de la création d’une escouade conjointe pour lutter contre ces gangs en début d’année. Consulter les reportages de LaPresse et de Radio-Canada.
Un pavillon sur la culture innue est en construction sur le quai de Sept-Îles et sera prêt pour la saison des croisières en 2025.
Île d'Anticosti, Port-Menier
Site exceptionnel inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis septembre 2023, on le décrit de cette manière sur la page web de cet organisme :
« Situé sur l’île d’Anticosti, la plus grande île du Québec, ce bien constitue l’enregistrement paléontologique le plus complet et le mieux préservé de la première extinction massive de vie animale, il y a 447-437 millions d’années. Il comprend le témoignage fossile le plus complet de la vie marine, couvrant 10 millions d’années de l’histoire de la Terre. L’abondance, la diversité et l’état de conservation des fossiles sont exceptionnels et permettent un travail scientifique de classe mondiale. Des milliers de grandes surfaces de litage permettent d’observer et d’étudier les animaux à coquille, et parfois à corps mou, qui vivaient dans les fonds marins peu profonds d’une ancienne mer tropicale. »
La description est disponible sous licence CC-BY-SA IGO 3.0
Selon la carte fournie par l’UNESCO, le bien est constitué d’une bande de 500 mètres tout le long du littoral marin et autour des rivières Jupiter et Vauréal qui traversent le centre de l’île.
Les quatre premières photos de la galerie ci-contre font partie du dossier de nomination présenté par le gouvernement du Québec en vue de l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO. Le site y est officiellement inscrit depuis l'automne 2023.
Lors de notre premier arrêt à Port-Menier, en soirée du 17 septembre, nous n’avions pas eu la chance de voir l’île en raison de la noirceur. Nous avons cependant eu droit à une démonstration éloquente du savoir-faire des débardeurs et du grutier pendant le déchargement de fermes de toits destinées à la construction de l’hôtel de ville. J'y ai fait une petite vidéo sans prétention illustrant la délicate manœuvre.
C’est donc à l’escale du retour le 22 septembre que j’ai pu descendre pour explorer le village de Port-Menier et ses alentours à vélo. Tous les visiteurs sont immédiatement charmés par l’accueil des cerfs de Virginie qui abondent sur l’île. À la sortie du bateau, Maelys du ROMM nous distribuait une morceau de pain à donner aux cerfs. Je l'ai accroché sur le sac de mon vélo et un cerf est venu s'en régaler au bord du lac Saint-Georges comme en fait foi cette vidéo.
Ce n’est certainement pas une sortie d’un peu plus de deux heures au retour qui permettra de découvrir tout ce que cette île magnifique a à offrir sur le plan nature, mais ça ouvre des perspectives et fait place à l’envie de voyage futur de durée plus longue.
Bref rappel historique
Les amérindiens de la Gaspésie et de la Côte-Nord auraient été les premiers à fréquenter l’île il y a environ 3 500 ans. Ils y chassaient l’ours qui abondait à cette époque.
Jacques Cartier a été le premier européen à en reconnaitre l’existence lors de son passage en 1534.
L’île a ensuite été octroyée comme seigneurie à Louis Jolliet par Louis XIV en 1680. Il en devenait donc le premier propriétaire. Elle a ensuite appartenu à ses descendants pendant plusieurs décennies.
L'Île d'Anticosti a ensuite appartenue en alternance à Terre-Neuve et au Bas-Canada de 1763 à 1874, elle est acquise cette année-là par l’Anticosti Island Company.
Acquise en 1884 par les frères Stockwell qui forment une compagnie forestière ayant connu peu de succès, elle est finalement vendue à Henri Menier en 1895. Celui-ci, riche chocolatier d’origine belge, en fera son paradis de chasse et de pêche, invitant les riches de la planète à en découvrir les richesses. Un des faits marquants de cette époque est l’introduction sur l’île de quelques espèces animales, dont la gélinotte huppée, le renard et le cerf de Virgine qui en constitue aujourd’hui une des richesses, tout en représentant une menace à l’équilibre écologique du milieu naturel en raison de sa surabondance.
Après avoir été acquise par une compagnie forestière qui en a exploité les ressources pendant quelques décennies, elle est finalement acquise par le gouvernement du Québec en 1974 qui en fera une destination touristique exceptionnelle en y créant un parc national sous l’administration de la SÉPAQ qui y offre maintenant des services de pourvoirie de chasse et de pêche. Les tarifs demandés n’y sont toutefois pas à la portée de toutes les bourses.
Havre-Saint-Pierre
La première fois que j’ai visité Havre-Saint-Pierre, au milieu des années 70, c’était la destination du bout de la 138. Je me rappelle que mon amie Gabrielle et moi y avions campé sur la plage et dégusté une morue achetée en fin de journée d’un pêcheur qui arrivait au quai. Ça a bien changé aujourd’hui. Tout d’abord, ce genre de proximité entre les pêcheurs et les gens est pratiquement impossible. Ensuite, la ville s’est développée de façon importante sur le plan touristique, en particulier depuis la création de la réserve de parc national de l'Archipel-de-Mingan dont elle constitue le point d’ancrage. Puis, la route 138 a été prolongée jusqu’à Natashquan et se rend maintenant jusqu’à Kegaska, 200 kilomètres à l’est de Havre-Saint-Pierre.
L’escale du Bella Desgagnés nous permet maintenant de faire une balade en ville et de se promener le long du sentier de bois longeant le havre. Nous y avons eu droit à un des plus beaux levers de soleil de notre voyage.
La première galerie ci-contre affiche les photos de Havre Saint-Pierre prises en septembre 2024. Celle qui suit, présente des photos prises lors de précédents voyages dans l'archipel de Mingan, en 2002 et 2011.
Havre -Saint-Pierre le 18 septembre 2024
Archipel de Mingan - 2002 et 2011
Natashquan et Kegaska
Village natal du poète et chanteur Gilles Vigneault, Natashquan est relié au reste du Québec par la route 138 seulement depuis 1996.
Ma première visite dans ce village remonte à 2002. Nous y visitions la famille Landry, dont le père était l’oncle d’une collègue de travail de France. Il nous avait indiqué le lieu de naissance de Gilles Vigneault qu’il connaissait bien. Cette maison n’était aucunement mise en valeur à cette époque. Elle a été entièrement rénovée en 2017 et constitue maintenant une attraction touristique importante pour le village.
J’y suis retourné par la suite en 2011 pour rencontrer Serge, une connaissance qui pratiquait la pêche au crabe, entre autres. J’ai alors eu la chance de l’accompagner dans sa dernière sortie de la saison avec ses deux employés, un sud-américain et un gaspésien.
Notre escale cette fois-ci ne durant qu’à peine une heure, je n’ai pu que remonter la côte du chemin des Robin où habitait Serge, la seule maison entre le chemin de la 138 et le quai de Natashquan.
On ne peut parler de ce village sans mentionner la petite communauté innue de Nutashquan reliée à Natashquan par un long croissant sablonneux. Les Innus, peuple nomade, ont été les premiers à fréquenter ce territoire.
Depuis 2013, Kegaska est l‘ultime destination de la 138. C’est là que le transport terrestre entre les villages s’arrête. On doit donc utiliser les services du Bella Desgagnés pour visiter les connaissances ou transporter véhicules et marchandises vers les villages plus à l’est jusqu’à Blanc-Sablon. L’hiver, il est possible de relier certains villages en utilisant les pistes de motoneige. Autrement, c’est l’avion, beaucoup plus dispendieux.
La Romaine / Unamen Shipu
Ce village compte environ 1200 habitants, dont un millier d’Innus, une centaine de Blancs et quelques familles de Malécites. La communauté francophone s’y est établie vers 1820. La réserve innue d’Unamen Shipu a été constituée en 1952.
L’école Olamen, comptant 311 élèves de la maternelle au secondaire 5, a fait l’objet d’un article intéressant de LaPresse en raison de la diversité culturelle qu’on y trouve. En effet, le tiers des 33 enseignants viennent d’Afrique.
Pour en apprendre un peu plus sur l'histoire et la culture des Innus d'Unamen Shipu, on peut consulter leur site.
Harrington Harbour

Tête-à-la-Baleine
La première fois que j’ai entendu parler de Tête-à-la-Baleine, c’était à la fin des années 1970, lorsque mon amie Louise s’y est installée avec son compagnon Serge. Elle y a finalement vécu pendant cinq ans. Mais je ne suis jamais allé la visiter, un manque de ma part que je regrette en rétrospective. Micheline, Gaétan, France et moi l’avons rencontrée, le temps d’un dîner, quelques heures avant notre départ de Rimouski où elle habite maintenant. Ça nous a permis de nous imprégner un peu de cette réalité de la vie dans un village isolé comme celui-ci.
Louise a donné naissance à sa fille Maude pendant qu'elle habitait Tête-à-la-Baleine en 1980. Maude a publié, en 2006 chez Triptyque, un recueil de poésie, Une tonne d'air, inspirée et imprégnée de sa vie sur la Côte-Nord qui lui a valu le prix Émile-Nelligan. Ce recueil fut suivi en 2011 de Un drap. Une place., lauréat en 2012 du Prix du Gouverneur général. Des ouvrages accessibles que je recommande chaudement.
La localisation du village à plus de 9 km du quai et la route de gravier parfois grossier m’ont empêché de me rendre jusqu’au village en vélo, mais j’ai quand même pu faire quelques kilomètres et en apprécier la beauté sauvage.
Les gens ici, une centaine de personnes, vivent de chasse et de pêche. Autrefois, ils s’installaient sur une des 600 îles faisant face au village et y récoltaient les fruits de la mer et chassaient le phoque. Les quotas de pêche et les moratoires sur le phoque et la morue ont contribué au déclin de ces activités et à la dévitalisation du village.
La Tabatière
La municipalité se nomme Gros-Mécatina et est composée de deux villages : Mutton Bay et La Tabatière. Le nom, issu de l’innu aimun, la langue des Innus, est une déformation du mot tabaquen qui signifie sorcier.
La communauté compte environ 500 habitants, francophones et anglophones.
Je m’y suis promené à pied pour une courte balade dans le village, l’escale ayant eu lieu à l’heure du souper et ne voulant pas rater un des excellents repas de la chef.
Extrait d'un panneau d'interprétation dans le village :
Origine de La Tabatière
Choisi au départ par les négociants français et anglais au cours du XVIIIe siècle. le nom Tabatière vient du mot montagnais, tabaquen, qui signifie sorcier. C'est ici que les premiers Montagnais consultaient leurs sorciers avant de partir pour la chasse dans les forêts intérieures.
Histoire de la communauté
Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, Vieux-Poste, Baie-rouge et La Tabatière. trois petits hameaux englobés aujourd'hui par La Tabatière, étaient d'importantes stations de pêche: l'un des résidants en parle comme de la « métropole du district ». Au XIXe siècle, La Tabatière se voulait la plus grande station de pêche de phoque de la Côte exploitée par le pionnier Samuel Robertson. D'ailleurs, vous pouvez vous rendre sur le site de l'ancienne station de Spar Point pour voir les marmites de fonte servant à transformer la graisse de phoque en huile. Aujourd'hui encore, la pêche demeure la principale source d'emploi à La Tabatière. L'usine de transformation locale, la plus grande de la Côte, compte environ 150 employés. Le crabe, la crevette et le homard pêchés et transformés sur place sont expédiés aussi loin que le Japon.
Saint-Augustin / Pakua Shipi
Le premier arrêt à Saint-Augustin ayant lieu en soirée, c’est au retour que nous sommes descendus pour explorer un peu les environs du quai. J’ai pu y faire une randonnée vélo qui m’a permis d’admirer les œuvres des jeunes Innus de Pakua Shipi sur les pierres bordant le chemin vers les villages. Ceux-ci se font face à environ 12 km du quai de chaque côté de la rivière Saint-Augustin. Une traverse en aéroglisseur permet de relier les deux rives, les services n’étant pas dédoublés.
L'histoire oubliée de Pakua Shipi
Les Innus de Pakua Shipi ont fait l'objet en 1961 d'une déportation comme il s'en est produit plusieurs dans les communautés autochtones du Canada. Fort de la Loi sur les Indiens, le père Oblat Alexis Joveneau a orchestré ce déplacement forcé vers la réserve Unamen Shipu à 250 kilomètres vers l'ouest. Sous l'impulsion déterminée de Shimun Mestanapeo, la communauté innue est revenue vers Pakua Shipi en 1963. Cette histoire hors du commun est rapportée dans un article de Jérôme Gill-Couture sur Radio-Canada Espaces autochtones.
Histoire du village de Saint-Augustin
Traduit du texte rédigé en anglais par Jane Shatter en 2004
On pense que Saint-Augustin a été fondé dans les années 1820 par les frères Matthew et Andrew Kennedy. Avant cette colonisation, le colon français Jacques Lalande aurait établi un poste sur l’île du Vieux Poste. Les îles extérieures ont d’abord été colonisées en raison de l’accès aux riches zones de pêche.
François Margane de Lavaltrie, un colon français, a reçu des droits de pêche, de chasse et de commerce en 1720. Au fil du temps, le poste est passé entre plusieurs mains, ce qui a finalement entraîné une migration des îles extérieures vers le continent. Les gens ont commencé à rester tout l’hiver en raison de l’école et d’un meilleur accès au carburant et au gibier, et plus tard en raison des soins médicaux et sociaux.
Finalement, le continent est devenu habité toute l’année. Les frères fondateurs de Saint-Augustin, Matthew et Andrew Kennedy, dont le père serait originaire d’Irlande, ont acheté un poste à la Labrador Company dans les années 1820, alors en faillite. Les hommes ont créé une entreprise de pêche au saumon et au phoque qui fut une réussite. James Belvin est arrivé ensuite, s’installant à Baie des Roches. Après lui, des colons de la seconde moitié du XIXe siècle sont arrivés, y compris les familles Lavallée, Maurice, McKinnon et les Terre-Neuviens ; Driscolls, Shattlers et Wellemans.
À mesure que Saint-Augustine se peuplait, de nouveaux services ont été introduits pour faciliter la vie. Entre 1914 et 1918, des lignes télégraphiques ont été installées jusqu’à Blanc Sablon. Quelques années plus tard, des avancées en communication et en technologie ont été réalisées sur la Basse-Côte-Nord. En 1949, on fait venir des infirmières dans chaque village pour fournir des soins médicaux de base à la communauté. En 1956, Grosse-Ile Tickle a été achevée et accessible par la communauté. Ce quai permettait aux membres de la communauté d’accéder au bateau de fret qui arrivait avec des aliments frais et d’autres biens, et plus tard de fournir des services aux passagers.
Les 15 et 16 février 1961, Saint-Augustin a accueilli la première Assemblée générale des représentants de tous les villages de la Basse-Côte-Nord. Au cours de ces deux jours, un Conseil économique a été mis en place pour la Basse-Côte-Nord, dans l’espoir d’améliorer la vie des habitants de la région.
Durant ce même hiver, un hélicoptère a été stationné à Saint-Augustin pour soigner les malades. Au fil des ans, les transports ont commencé à s’améliorer pour les habitants de Saint-Augustin et de la Basse-Côte-Nord en général. En 1964, la Clarke Steamship Company a fourni les services d’un bateau de fret/passagers plus rapide. Ce bateau devait desservir les villages de la Basse-Côte-Nord une fois par semaine. Cette même année, la Northern Wings Company Ltd. a commencé à fournir un service postal/passagers pour la saison estivale. C’est au début des années 1960 que les premiers ski-doos sont arrivés à Saint-Augustin. Les améliorations dans les transports étaient en plein essor et elles étaient essentielles pour une vie confortable sur la côte en raison de l’isolement.
En 1965, le Conseil économique a obtenu de la compagnie de téléphone du Québec l’installation d’un réseau téléphonique moderne à ondes courtes sur toute la Basse-Côte-Nord. Le Conseil économique faisait clairement ce qu’il avait prévu de faire, améliorer les conditions de vie sur la Basse-Côte-Nord. Cette même année, Hydro-Québec a également apporté l’électricité à la côte. Enfin, en 1978, les services de télévision ont commencé sur la côte.
Blanc-Sablon
Dernière étape du voyage avant le retour vers l’amont, Blanc-Sablon c’est l’extrémité est du Québec. Municipalité de 1122 habitants (en 2021), elle est située à l’entrée du détroit de Belle Isle dont on peut d’ailleurs faire la traversée vers St. Barbe à Terre-Neuve en plus ou moins 2 heures sur 36 kilomètres.
Il est intéressant de noter que cette municipalité est la seule de la Basse-Côte-Nord après Kegaska qui soit accessible par la route. Celle-ci constitue cependant un défi logistique puisqu’elle représente un trajet de 1722 km à partir de Baie-Comeau, en passant par Wabush au Labrador.
Comme cette escale est la plus longue de la semaine, j’ai eu le temps de me rendre à vélo jusqu’à la frontière Québec/Labrador. Celle-ci se trouve à cinq kilomètres du quai et est donc facilement accessible. Chemin faisant, je me suis arrêté sur la plage de Blanc-Sablon pour y observer quelques oiseaux marins dont le plongeon huard et l’eider à duvet, omniprésent sur toute la Basse-Côte-Nord.
Lieu archéologique
Je me suis aussi arrêté sur le site de fouilles archéologiques à un ou deux kilomètres du quai. Voici le texte explicatif intéressant sur ce site, glané sur un panneau :
BLANC-SABLON
Pendant près de neuf mille ans, les abondantes ressources du littoral de Blanc-Sablon ont attiré des groupes autochtones. Des recherches effectuées sur plus de 60 sites archéologiques, situés sur la rive ouest de la rivière Blanc-Sablon, révèlent des modes d'établissement et de subsistance qui ont changé graduellement.
La quantité et la diversité des restes fauniques démontrent l'importance qu'occupaient les ressources côtières, tout particulièrement le phoque, dans l'alimentation des habitants de la région, Ces richesses archéologiques font de Blanc-Sablon un témoin de l'évolution des sociétés autochtones de la péninsule du Québec Labrador.
Commission des lieux et monuments historiques du Canada
Photos de la vie animale de la Basse-Côte-Nord en fin septembre
J'ai regroupé ici les photos d'oiseaux, de mammifères terrestres et marins qui font partie des galeries ci-haut.
Comments 4
WoW!Tes photos sont magnifiques et tes textes sont intéressants et très bien documentés.
Ça me rappelle de beaux souvenirs de mon voyage en 2003.
Un beau voyage !
Merci pour les aspects historiques et autochtones, ils permettent une meilleure appréciation des lieux.
Merci René pour toutes informations qui dépassent ce que nous avions appris sur place; tu as fait de très bonnes recherches. Et pour tes photos, toujours magnifiques et souvent émouvantes. Ce voyage m’a fait beaucoup de bien, de très belles vacances : le Bella, confortable et sans démesure, l’équipage souriant et sympathique, les villages / villes de chaque escale et les gens qui y habitent … Même si la liste d’attente est longue avant d’avoir une place (1-2 ans) l’attente en vaut la peine. Pour la vie sur le bateau et les quais, mais aussi pour les centaines d’îles, semblables et différentes en même temps, les ciels magnifiques, les nuages surprenants et la lumière, que ce soit au lever ou au coucher du soleil ou en plein jour.
Très beau et instructif reportage! Merci René de partager ces moments.
Peut-être y retournerai-je une quatrième fois? Pour encore m’imprégner de ce magnifique territoire.